L'héritage de Marie-Annick
Marie-Annick ne retournait en Bretagne que pour contrecarrer les dernières volontés de sa grand-mère maternelle dont elle était l'unique héritière. Son expression habituellement ouverte et souriante s'était assombrie quand elle avait reçu la lettre très attentionnée du notaire lui annonçant à la fois le décès de la vieille dame dans sa quatre -vingt huitième année et le testament qu'elle avait rédigé en sa faveur devant deux témoins. Dans l'enveloppe, la photo du vieux manoir dont elle hériterait si elle acceptait le leg, avec l'océan à l'arrière-plan. Elle se rappelait vaguement l'imposante bâtisse où elle n'avait passé qu'un seul été l'année de ses 8 ans .C'était juste avant le divorce de ses parents et elle n'y était plus jamais retournée après cette séparation dont sa grand-mère rejetait la faute sur sa mère, alors que c'était son père qui les avait abandonnées ! La lettre faisait également mention d'une somme rondelette de cent-mille euros ! Waouhhh ! Le montant de son héritage s'élevait donc à cinq cent cinquante mille euros grosso modo, après estimation de l'imposante bâtisse classée et de son contenu. Une somme totale astronomique en comparaison avec son modeste salaire d'agent d'entretien du lycée de la banlieue parisienne où elle travaillait ! Elle aurait pu offrir une fin de vie douillette à sa mère atteinte d'un cancer, si elle avait pu en bénéficier avant. Qu'au moment de faire son testament, sa grand-mère acariâtre se soit souvenu d'elle après tant d'années d'oubli et de silence des deux côtés, lui paraissait presque ironique. Le notaire terminait sa missive en concluant qu'elle héritait de tous les biens de sa grand-mère à l'exception de la maison du jardinier attenante au manoir mais qu'en revanche et si elle le souhaitait, elle pourrait continuer à utiliser les talents dudit jardinier auquel la vieille dame reconnaissante avait cédé de son vivant pour un euro symbolique, le petit mais confortable logement de fonction qu'il occupait. Kilian Le Quellec est au service de votre grand-mère depuis 15 ans, précisait il. Elle faillit remercier le notaire et refuser poliment cet héritage qui lui rappelait de trop pénibles souvenirs mais elle se ravisa. C'en était fini des galères et des fins de mois difficiles. Elle allait vendre le manoir avec tout ce qu'il contenait, prendre l'argent de la vente et celui du compte bien garni que lui laissait son odieuse "mamie" puis elle irait s'installer dans le sud. Elle fit donc sa valise et, la tête pleine de projets enfin réalisables, partit pour Quiberon où l'attendait le bienveillant notaire. Là-bas, elle rencontra Kilian, tomba sous son charme tout comme il tomba sous le sien. Plus que d'un manoir, elle hérita d'un amour indéfectible. Ils n'ont pas vendu la grande bâtisse sur la falaise. Ils en ont fait un centre de vacances pour les enfants déshérités qu'ils dirigent ensemble. L'argent, ça aide quand même ! Mais c'est dans la petite maison de jardinier qu'ils abritent leur bonheur.