Affichage des articles dont le libellé est Les Duals. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Les Duals. Afficher tous les articles

14 mars 2025

Prologue du roman : Les Duals

 L'étrange poème que j'ai partagé avec vous hier, fais partie du prologue des Duals que j'ai commencé à rédiger en 2017 et que je crains de na jamais terminer.

***

« Fafaouchë ëbë ëlë dïbëlë,fafaouchï ëboï neï. Nüp münlïeï ëbenï ïlï dibëleï,nüp münliä ëbä yë. Fafaouchä ëkë ëlë trivalek, ëkë ëlë brovolek. Rögä ëkë älä rögädükä. Übränä ëkë älä bräbökä. Fafaouchä ëbä yë. Dïbëlä ëbä yë. Nivor sünraï fafaouchëkä kümä yë. Nivor maoum sïrä kümä yë. Man’dek ë’ Yëowl alä vïdikä dïbak dëbä. Antë mordankä yë. Antë cüneë münlië ïmtörë Yëowl.Plörëmë moë amkë. Plörëmä yë. Kin ïmvendrë Yëowl,nivor öcraëa ëbrä yë. Prïdmë ! Ü ! Prïdmë Yëowl ! Maoumä tö yë… »

Les mots résonnent comme une mélopée dans la cabane sombre à peine éclairée par l’âtre rougeoyant.
Une femme presque aussi vieille que le chêne qui domine la pauvre masure est assise près de la cheminée. Les mains tendues paumes en bas vers les flammes elle récite la mystérieuse incantation en se balançant d’avant en arrière. Dans son œil bleu, le droit, brille une larme, D’un doigt furtif, comme prise en faute, elle l’essuie avant qu’elle ne se fraie un chemin dans les rides profondes de sa joue parcheminée. Dans l’œil gauche qui est aussi noir qu’un ciel les soirs d’orage, c’est la colère qui brille comme si elle se reprochait sa sensiblerie.
Au-dessus du feu crépitant, ses mains tremblent.
Elle a entendu les pas légers de l’enfant. Avant même qu’il n’ait prononcé le moindre mot, elle sait ce qu’il va dire. Elle entend les questions qu’il n’a pas encore posées.
Entre ses lèvres desséchées, les mots ne sont plus qu’un murmure ténu :
- Fafaouchä ëbä yë... Dïbëlä ëbä yë… alä vïdikä… Antë mordankä yë. Kin ïmvendrë Yëowl,nivor öcraëa ëbrä yë.
-Mä Kaë, pourquoi tu dis que je dois revenir ? Je ne suis pas parti ! Et pourquoi tu dis que tu vas mourir ? Dis Mä Kaë, tu ne vas pas mourir hein ? Tu n’es pas malade…
Il a utilisé le langage ancien...Mä Kaë. Elle savoure la douce sonorité de ces mots tendres dans la bouche enfantine. Grand-mère… Grand’ Ma comme il dit le plus souvent. Elle aime cet enfant bien plus qu’elle n’a jamais aimé quiconque au cours de sa trop longue existence.
Trop longue oui ! Pourtant il lui reste du chemin à parcourir avant de remettre son âme aux mânes de ses ancêtres. Long et douloureux puisqu’il passe par une terrible vérité. Il n’a pas tout compris car elle a utilisé le langage ancien-ancien. Elle est la seule à l’utiliser encore dans ses incantations. Non, il n’a pas tout compris…
Demain, il va falloir lui dire…
- Viens sur mes genoux moë sokülük que je te raconte une belle histoire.
L’enfant ne se fait pas prier. S’entendre appelé « mon trésor » par cette voix rocailleuse qui gronde si souvent les autres gamins, le fait chavirer. Il se sent si bien contre le cœur de la vieille femme. L’odeur de son châle de laine imprégnée de celle du bois qui brûle dans l’âtre le rassure.
-Maoumä yek tuyo Yëowl… Maoumä yek tuyo…Lui murmure-t-elle tandis qu’il se blottit contre son giron.
-Moi aussi je t’aime Grand’Ma
«Man’dek …Demain… » Se dit-elle. Et la goutte salée qu’elle tentait encore de retenir s’échappe malgré elle de la paupière rageusement serrée. Doucement, elle glisse et va se perdre dans les sillons de sa joue….