07 octobre 2024

Défi des croqueurs de mots N°294

 

N°294

Pour "Les croqueurs de môts" , proposé par Jeanne Fadosi

Illustrer à votre manière (prose, vers, dessins, images)un monde où le temps serait aboli.
(Celui de l'Histoire ou celui de la météo ou les deux)


Ô temps...

Assise en haut de la dune, Julia regardait les vagues lécher paresseusement la grève. Une brise légère et iodée courbait doucement les oyats. Quelques rares promeneurs arpentaient encore la plage abandonnée par les baigneurs. Des escadrilles de mouettes criardes survolaient les derniers bateaux de pêche. L'océan turquoise commençait à se teinter de rouge et d'or. Le soleil entamait sa descente à l'horizon. Julia ne se lassait pas de ce spectacle somptueux. Elle allait en contempler chaque minute, jusqu'à l'ultime instant, quand l'astre éteindrait ses derniers feux dans le flot miroitant. Tandis qu'elle laissait glisser une poignée de sable entre ses doigts, quelque chose l'interpella. Plusieurs même à dire vrai. Les promeneurs en contrebas, paraissaient figés dans leur marche tranquille. Là-bas, à la limite des vagues, le jogger avait été stoppé en plein élan. La paisible rumeur de la marée descendante s'était tue et le mouvement du ressac avait cessé, tout comme s'était tu le criaillement des mouettes arrêtées en plein vol. Le soleil flamboyant avait d'un seul coup interrompu sa course au ras des flots. Au loin, les bateaux qui rentraient au port, ne voguaient plus. A présent, dans le scintillement désormais figé de l'océan rougeoyant, leur sillage écumant semblait peint.. Sur la dune, le vent ne soulevait plus le sable dont les dernières envolées étaient comme suspendues dans l'air immobile. Les oyats ployés ne relevaient plus la tête. Même ses longs cheveux blonds dénoués, ne voletaient plus autour de son visage Le plus étrange était qu'entre ses doigts, les grains dorés ne s'écoulaient plus, bloqués entre sa main et le sol. Inquiète, elle tenta de se lever sans y parvenir. De la même stupéfiante façon que tout le reste autour d'elle, elle était figée dans le tableau d'un sublime soleil couchant. Prisonnière, condamnée à l'immobilité éternelle. Le temps s'était arrêté. Seul son cerveau fonctionnait encore à plein régime. Alors elle se souvint que juste avant que ne débute l'étrange phénomène, les vers d'un poème de Lamartine appris au collège, avaient résonné dans sa tête :"Ô temps, suspends ton vol ! Et vous, heures propices, suspendez votre cours ! Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ! "
Vite, vite, retourner en arrière et effacer ces mots de son esprit avant que ses pensées elles aussi ne se figent !
Autour d'elle, le tableau s'anima, la vie reprit son cours et le temps sa course folle. Ouf ! Il était moins une !


2 commentaires:

  1. Magnifique texte pour relever le défi, Anne-Marie ! Bravo et bonne soirée de ce lundi. Bisous

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  2. Dans les moments heureux, ô temps, oui suspends ton vol.... amitiés, jill

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J'aime vos petits mots et j'y réponds avec plaisir. Merci