Les trois petites, Anne-Marie, celle à lunettes, Evelyne à droite et Marie-Lise, à l'autre bout de la table.. C'est comme ça qu'on nous a vite appelées quand on a débarqué dans notre famille d'accueil en 1962. Les trois petites qui sont chez madame H disait-on aussi quand on nous croisait, toujours ensemble sur le chemin de l'école. Trois petites filles de la fratrie des B qui compte 7 enfants, tous enlevés à leur maman, veuve et tombée dans le pot au noir après la mort accidentelle de son mari. 7 frères et sœurs séparés et placés par "l'assistance publique" dans différentes familles. Nous étions censés être placés deux par deux en fonction des âges. Mais 7 est un chiffre impair ! Vous voyez le topo Du coup, j'allais me retrouver seule mais poussée par l'assistante sociale, la nourrice choisie pour mes deux petites sœurs a accepté de me prendre à l'essai pour un mois. J'allais sur mes 12 ans et madame H craignait que j'aie une mauvaise influence sur les deux petites. Elle m'a finalement gardée. Bénie soit-elle ! C'est ainsi que nous sommes devenues "les trois petites" mais je suis longtemps restée blessée par cette "prise à l'essai". Une espèce d'épée de Damoclès toujours brandie au-dessus de ma tête.
Notre nourrice, mère de 11 enfants et qui venait elle aussi de perdre son mari de façon tragique, avait besoin d'un supplément de revenus. et d'un dérivatif à son chagrin. En bonne chrétienne, je dois l'admettre, elle a fait un peu plus que son "travail" de famille d'accueil et ses enfants nous on bien intégrées, même s'il y a eu - et c'est bien normal -, quelques tiraillements de temps en temps. Elle aurait pu nous mettre à l'école laïque comme le souhaitait l'administration mais elle a préféré ne faire aucune différence en nous mettant à l'école privée, comme ses filles encore scolarisées.
Le hic, c'était lors des réunions familiales. Imaginez autour de Thérèse la Nounou : Anne-Marie, l'aînée longtemps célibataire puis finalement mariée à Pierre-Alphonse, Pierre, Renée son épouse et leur fille Nathalie, Jean-Claude et Françoise sa femme, Marie-Françoise, religieuse, Francis et Colette, sa femme, Marie-Josée (qui restera célibataire toute sa vie), Marie- Paule qui finira mariée à Pierre, un vieil ami de la famille, Michel, qui épousera Françoise, Dominique qui elle épousera Gérard, Elisabeth, et enfin la petite dernière Marie-Christine. Plus, dans les grandes occasions, la tante Marie, Annick et Eric, les cousins de Paris et leur père veuf Léo et les parents de la femme de Jean- Claude. Et enfin, nous, les 3 petites pièces ajoutées à cette grande famille. Puis, plus tard, les enfants des uns et des autres viendront grossir les rangs ! Une sacrée tablée pas vrai ! Le dimanche, en général, nous mangions dans la cuisine où se trouvait la "grande table". Autour d'elle, même avec les rallonges, il n'y avait pas de place pour tout le monde alors nous, les 3 petites, nous étions installées à la "petite table", rabattable contre le mur. Avec les autres mais à part, jusqu'à ce que Pierre, le vieil amie de la famille décide de venir se caler avec nous tant bien que mal parce que , disait-il, il n'y a pas de raison !
Dans les grandes occasions donc, même à la petite table, nous n'avions pas notre place. Du coup, on nous installait, "comme au restaurant" songions nous, à la table de la vraie salle à manger (celle de la photo) bien trop petite donc plus utilisée comme telle depuis longtemps. Pour faire passer cet isolement du reste de la famille comme une espèce de privilège, notre nounou venait nous servir, avec son beau tablier blanc et faisait comme si , effectivement, nous étions des clientes d'un restaurant chic. Et hop, un joli sourire pour la photo souvenir
Ma communion solennelle.
Ce jour-là, pour caser tout le monde, on avait débarrassé la chambre de la nounou et on y avait installé la tablée de fête avec de grands draps blancs en guise de nappes.
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Une partie de ma famille d'accueil, plus mon parrain (frère de ma mère) à côté de ma nounou(en noir), et sa femme, tante Giselle, une main sur mon épaule. C'est la seule fois en 10 ans où ils sont venus nous voir
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Il y a des similitudes avec mon mari, mais malheureusement pas beaucoup.
RépondreSupprimeril a été retiré avec 7 frères et soeurs de chez ses parents pour mauvais traitements et défaut de nourriture.
Ils ont tous été éparpillés.
Lui est allé 3 ans et demi dans un préventorium en forêt de Compiègne et ensuite à 11 ans et demi chez une nourrice. Elle était mauvaise, le faisait trimer lui et un autre enfant de la DASS.
A 14 ans, une ferme école avec un troupeau de 400 moutons à garder nuit et jour seul.
A 17 ans, placement en fermes, une fois mal, une fois bien et puis le service militaire. Il en est sorti sans suivi de l'état, heureusement, il a trouvé du travail assez rapidement.
Tu as de beaux souvenirs quand même.
Bises
J'en ai bavé à l'époque ! En dépit de ses défaillances(l'alcool), j'adorais ma mère. Je suis devenue rebelle, difficile. je ne voulais pas m'attacher parce que je ne voulais pas remplacer maman. En revanche, pour contrer les propos défaitistes de ma nounou quant à mon avenir, je me suis appliquée à rester une bonne élève. Ce n'est que des années plus tard que j'ai admis que ça avait été une chance inouïe que d'être tombée chez cette femme exceptionnelle, dans sa famille pleine d'amour. Elle m'a forgé le ,caractère et rendue plus forte. Ils oont tous forgé mon caractère ! Finalement, je dois à mes deux mères d'être devenue celle que je suis. Bénies soient elles toutes les deux. Et oui, contrairement à ton mari qui lui en a réellement bavé, j'ai eu de la chance et j'ai récolté plein de beaux souvenirs.
SupprimerBises à toi et à lui
Ce n'est pas la vie rêvée pour des enfants, placés un jour.... voilà une sacrée histoire !!! Notre fille héberge, famille d'accueil, une enfant qui va sur 6 ans, eue au berceau, ses frères placés eux aussi, les parents n'en veulent plus !!!! Ces enfants, comme vous font avec..... jusqu'à leur envol ! Faire leur propre vie.... merci, amitiés, JB
RépondreSupprimerCe n'est jamais facile d'être arrachée à sa vie du jour au lendemain, emmenée avec les frères et sœurs entre deux gendarmes, comme des malfaiteurs. A 12 ans à peine, je ne le comprenais pas et je ne l'admettais pas. pourtant, ce fut un bien pour un mal ! Comme tu dis, on fait avec et avec le recul, on se dit que c'était la meilleure chose à faire. Bises amicales
SupprimerTriste ma chère An'Maï, ça me fait penser à ma maman qui a été séparée de ses frères et sœurs pendant une grande période ! Sa propre mère étant décédée en couches. Son père ne pouvait pas assumé seule les enfants, il a donc gardé les garçons, ils étaient 2 dont 1 handicapé et les 3 filles ont été réparties dans la famille à gauche et à droite ...
RépondreSupprimerMaman a été élevée par mon arrière grand-père. Il a fallu attendre que mon grand père rencontre quelqu'un qui avait déjà 2 enfants et se mette en couple pour que la famille soit à nouveau réunie mais maman étant la plus âgée, c'est elle qui a du s'occuper de tous ! Pas drôle vraiment ...
N'ayant pas eu d'amour, elle a reproduit le même schéma ...
Mais si elle n'était pas câline, elle était parfaite dans son rôle de maman et encore plus dans son rôle de grand-mère ...
Souvent, je me demande ce que maman a pu vivre à cette époque où elle avait 8 ans ... Quel chagrin elle a du avoir !
Un texte émouvant et touchant qui me renvoie à ma propre histoire même si ce n'est vraiment la même chose ...
Tu es une personne bien courageuse ... Et malgré tout cela, je crois qu'une bonne étoile veillait sur toi !
Douce soirée, bisous, Lou
Ma copine, je me souviens encore de cette histoire quand on en parlais au téléphone. J'avais eu beaucoup de peine pour toi et tes soeurs mais quand je lis l'affreuse enfance de Jean Pierre, le mari de Claudie j'en ai encore plus ! Il en faut du courage et de l'abnégation pour se reconstruire après ça !! On porte en nous ces déchirantes enfances et ce sont des cicatrices qui jamais ne se referment, malgré tout la résilience que cette force nous donne !
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