Pensez
à un objet usuel de la maison et écrivez une petite histoire en le
faisant vivre et en insérant éventuellement des dialogues
savoureux! L’humour est vivement conseillé.
L’heure
du bain
Ouf ! C'’est l’heure du bain, enfin ! Après cette longue
journée de boulot, c’est largement mérité ! Je suis sale comme
mon pote Peigne qui vit à l’étage au-dessus et que je n’ai
rencontré qu’en de rares occasions, tout à fait par hasard !
Soit dit en passant, je suis heureuse et soulagée que nous
n’utilisions pas la même baignoire (Lol !)
Un vrai hippy celui- là ! Toujours plein de cheveux comme
Brosse, sa meuf qui est encore plus chevelue que lui !
Bon, revenons-en à nos moutons ! Vous voulez savoir pourquoi je
suis si dégueu en fin de journée ? C‘est à cause de mon taf : je
suis touilleuse. C’est ma principale fonction même si mes patrons
m’utilisent à d’autres tâches de bouche à l’heure du dessert
en particulier, comme cela aurait dû être le cas aujourd’hui.
Que je vous raconte ma journée à présent.
Aujourd’hui donc, c’était réception des Grandes Occasions
dans l’entreprise : le repas du nouvel an que les patrons fêtent
chaque année avec toute la famille. Mes copines et moi, tout comme
les autres membres de l’honorable confrérie de la Ménagère en
Argent à laquelle je suis si fière d’appartenir, nous avons été
sorties très tôt du grand dorbuffet quatre étoiles de la
Salle-à-manger, puis retirées une à une avec beaucoup de
ménagement, de la mallette-lit très confortable que nous
partageons. Passage en revue des troupes, obligatoire !
La tenue se devait d’être parfaite : propreté impeccable,
teint brillant, dos droit. Les tordus ou les ternis finissent
inévitablement dans les casiers-lits de métal du dortiroir de la
cuisine, réservé aux subalternes Un lieu horrible d’après que
j’en sais par ouï-dire, où règne une abominable promiscuité !
Les exclus de la Ménagère en Argent y finissent leurs jours sans
plus jamais connaître ces moments de gloire et d’intense
satisfaction que nous autres, employés exclusivement pour ces grands
moments, sommes les seuls à vivre !
Ouf,
j’étais nickel chrome ! Les autres aussi ! Nous avons donc été
disposés comme il se doit à la place qui nous revient. De même que
mes amies Petites Cuillères d’Argent, on m’a installée au pied
de deux potes des grandes occasions, Verre à Vin et Verre à Eau
qui font partie de la confrérie des Verres en Cristal. Les membres
particuliers de la joyeuse famille des Verres à Apéritif, ont été
installés à part dans le salon. Quant aux gracieuses Flûtes à
Champagne, elles ne nous ont rejoints qu’à la fin des agapes.
Verres en Cristal et Couverts en Argent, nous étions tous au
garde-à-vous autour de celles qui dominent généralement la tablée
de leur incontestable majesté, ces dames Assiettes en Porcelaine à
Liseré d’Or, héritage sacré légué à son fils par la mère
du patron.
Nous étions prêts pour le service ! Certains officièrent seuls,
comme les Cuillères à Soupe, les Cuillères à Dessert et les
Petites Cuillères, d’autres en doublon, comme les Fourchettes et
les Couteaux, par catégorie et en respectant l’ordre donné.
Pour ma part, afin que vous compreniez mieux mon état de
saleté avant ce bain tant attendu, il faut que je vous raconte
finalement à quoi j’ai servi et à qui surtout !
J’étais à la disposition d’un enfant ! Ceci explique cela !
Il ne connaissait pas les règles en usage pour une Petite Cuillère
en Argent digne de ce nom ! Il m’a trempée dans la mayonnaise,
vous vous rendez compte ! Moi, dans de la mayonnaise ! Beurk ! Et
plusieurs fois je vous prie ! Quel petit malotru ! Ils auraient dû
lui prêter une des Cuillères en inox de la cuisine ! Pour pouvoir
continuer à se servir de moi à sa guise, il m’a trempée dans son
verre d’eau. Gloupsss ! J’ai horreur d’être ainsi baignée
dans de l’eau froide sans savon ! Ensuite, il m’a essuyée sans
délicatesse avec un coin de sa serviette !
Et ça a continué ! Après le saumon mayonnaise, j'ai eu
droit au foie-gras généreusement tartiné par le sale gosse -avec
mon aide bien sûr- de compotée de figue et d'oignons confits et
hop, trempette dans le verre d'eau !
Puis ce fut la sauce du civet de sanglier "Grand-Veneur"!
Nouvelle baignade forcée ! Pomme de terre en papillote tout juste
sortie du four, ouille ! Ça brûle ! Vinaigrette, aïe ! Ça pique !
Il y a même un chien qui m’a léchée ! Dégoûtant ! Et chaque
fois un tour dans Verre à Eau dont le contenu devenait de plus en
plus infâme ! J’étais écœurée, lui aussi ! Pauvre Verre à Eau
bafoué de la plus horrible des façons ! Servir de baignoire
occasionnelle à une petite cuillère fût elle en argent, quelle
indignité pour un verre en pur cristal de Baccarat !
Et
je ne vous dis pas l’état de Serviette Blanche ! Tachée de
partout, humide, froissée ! Comme tous les employés temporaires de
ce sale gamin, elle avait hâte que ça se termine. Même Verre à
Vin n’en pouvait plus ! Censé ne pas servir pour cet invité-là,
on l’avait rempli d’un infâme jus de fruit trop sucré qui
l’avait rendu aussi poisseux qu’un pot de miel ! Il déteste ça
! Quel déshonneur pour lui qui n’aime rien autant qu’être
rempli comme il se doit, de grands crus millésimés !
Pour en revenir à moi, j’ai terminé barbouillée de mousse au
chocolat, de coulis de framboise et de crème Chantilly ! Je n’ai
même pas eu droit à un bon café bouillant qu’on amène aux
grands invités dans ces jolies demoiselles Tasses à Café, en
porcelaine blanche assortie à celle de leurs aînées Assiettes !
J’aurais touillé avec un plaisir intense ce délicieux breuvage
fumant !
Le
petit sagouin m'a posée sans ménagement dans Assiette à son
service, encore pleine de reliquats peu ragoûtants, en compagnie de
Fourchette et de Couteau aussi sales que moi ! Il s’est essuyé une
dernière fois avec Serviette Blanche si crasseuse qu’elle en
aurait pleuré de honte, comme nous tous ! Puis il a quitté la
table sans attendre d’en avoir la permission, en faisant tomber
Chaise et en hurlant comme un goret qu’on égorge !
Vous comprenez mieux à présent, je l’espère, pourquoi
j’ai attendu l'heure du bain avec impatience ! Un bain de luxe
réservé uniquement à nous autres, dignes membres du Service des
Grandes Occasions ! Dans une jolie baignoire remplie d’eau chaude,
parfumée, savonneuse à souhait. Nous y sommes lavés puis essuyés
avec une délicatesse infinie, avant d’être déposés dans nos
mallettes-lits capitonnées de satin champagne, elles -mêmes
ramenées avec moult précautions jusqu’à l’imposant dorbuffet
fleurant bon la cire d’abeille. Là, nous profitons alors enfin
d’un long repos bien mérité jusqu’à la prochaine Grande
Occasion !
Tout compte fait, en dépit de ce type de désagrément pas si
fréquent ma fois, je suis une touilleuse heureuse !
Je
pense parfois à nos collègues de la cuisine !
Moins
bien lotis que nous, ils doivent se contenter de la douche commune où
ils sont lavés sans les douces mains de Maria et où ils sèchent
seuls, enfermés jusqu’à ce que des mains secourables se
rappellent qu’ils sont là. Parfois, c’est inimaginable pour
moi, ils y passent même la nuit !
Ça y est, c’est le tour des membres de la Ménagère en
Argent ! En douceur, nous sommes plongés dans la baignoire …
Ahhhh quel délice !
Vive l'argent, enfin pour la "ménagère"..... L'équipe du quotidien elle n'a pas le même régime si je puis dire, amitiés, jill ;-)
RépondreSupprimerQuel plaisir de te lire ! J'adore quand les couverts se mettent à nu et se découvrent ainsi. Merci. Belle semaine. Bisous.
RépondreSupprimerBravo Anne-Marie, c'est franchement excellent. Merci pour ta participation.
RépondreSupprimerÀ la lecture de ton texte, je constate qu'on ne mélange pas les serviettes avec les torchons 😁
Bises et bon début de semaine - Zaza
Je me suis régalée à te lire. J'imaginais mes couverts me tenir ce discours , ils auraient pu se plaindre aussi de la perte de leur éclat et du désintérêt que je leur porte depuis quelques années , préférant des matériaux qui ne demandent pas autant d'entretien..
RépondreSupprimerBonne semaine
Bises
que c'est mignon toutes ces petites choses qui parlent d'or...pardon d'argent bravo !
RépondreSupprimerPauvre cuillère si mal traitée en définitive, mais savais tu que ce petit malotru, n'y peut rien? Personne ne lui a expliquer les us et coutume de chacun de vous ce n'est pas de sa faute mais du laxisme des parents! Ha la nouvelle éducation...Bonne journée
RépondreSupprimerWaouh c'est amusant de donner la parole aux ustensiles, l'"argent" prend de la valeur alors que de nos jours plus personne en fait de cas
RépondreSupprimerBonne fin de journée @ toi
Bises
Bonjour Anne Marie,
RépondreSupprimerQuelle originalité !
Faire parler cette cuillère d'argenterie tombée entre les mains d'un enfant " sagouin " est une idée géniale et très drôle. J'ai particulièrement apprécié l'humour qui se dégage de ton texte et la manière dont tu as su donner une personnalité si attachante à cet objet.
Un grand bravo pour ton écriture pleine d'esprit !
Bien amicalement, Marie Sylvie
C'est vraiment SUPERBE, Anne-Marie !!! Mille bravos !!! Que de plaisir de t'y lire !!! Gros becs
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